EMBRYOGENÈSE ANIMALE

EMBRYOGENÈSE ANIMALE
EMBRYOGENÈSE ANIMALE

Chez les animaux, l’œuf est une cellule unique, souvent de grande dimension, à noyau digamétique, c’est-à-dire formé par l’assemblage des noyaux des cellules reproductrices ou gamètes. Le cytoplasme cellulaire renferme des réserves plus ou moins abondantes. Si les circonstances du milieu lui sont favorables, l’œuf va donner un nouvel organisme, semblable à l’organisme des progéniteurs et assurant ainsi la continuité de l’espèce, à la faveur de la reproduction sexuée.

La segmentation découle de la fécondation; elle va morceler l’œuf indivis et en faire une unité pluricellulaire, ou blastula, dont la morphologie ne deviendra apparente qu’au stade suivant, celui de la gastrulation. Les divisions de segmentation se font selon des plans bien déterminés et des modalités constantes pour chaque espèce; elles sont conditionnées par la structure de l’œuf et par sa charge en réserves vitellines qui assureront la nutrition de l’embryon en voie de développement (fig. 1).

Les phénomènes de gastrulation font immédiatement suite aux différentes phases de la segmentation. Ils ont essentiellement pour effet de faire apparaître l’ébauche du tube digestif et de mettre en place les divers feuillets embryonnaires. On considère généralement que la segmentation est terminée dès que l’embryon commence à s’accroître. Au cours de cet accroissement, les divisions cellulaires sont moins fréquentes et les blastomères, en se différenciant, entreprennent des migrations importantes pour constituer par ségrégation deux feuillets fondamentaux. Le feuillet externe, ou ectoblaste primaire, se superpose à un feuillet interne, ou endoblaste primaire: la gastrula est donc, à l’origine, didermique. Toutefois, cette structure à deux feuillets ne se rencontre que chez les Spongiaires et les Cœlentérés (animaux diblastiques). Les autres animaux sont dits triblastiques, car un troisième feuillet vient s’insérer ultérieurement entre les deux premiers pour former le mésoblaste.

On donne le nom d’annexes à des expansions embryonnaires qui se produisent au cours du développement de l’œuf. Chez les Vertébrés ovipares dits «amniotes» (Oiseaux, Reptiles et certains Mammifères comme les Monotrèmes), l’extension des membranes extra-embryonnaires correspond à l’enveloppement des abondantes réserves déposées dans le volumineux sac vitellin. La résorption progressive du vitellus fournit ainsi les substances nutritives nécessaires à l’embryon au fur et à mesure que ce dernier se développe. Chez la grande majorité des Mammifères (espèces dites placentaires), les mêmes annexes embryonnaires, loin de régresser, vont s’adapter à l’intérieur de l’utérus aux échanges materno-embryonnaires puis materno-fœtaux. C’est ainsi qu’aux premiers stades du développement, la paroi périphérique (trophoblaste) du germe absorbe directement les liquides nutritifs se trouvant dans la lumière utérine. La prolifération du trophoblaste va ensuite ancrer l’embryon dans la muqueuse utérine («implantation de l’œuf»), amorçant ainsi la formation d’un placenta où s’établira le rapprochement des circulations sanguines maternelles et embryonnaires.

1. Œuf et segmentation

Morphologie et cytologie

Les œufs, de forme cylindrique, ovoïde ou sphéroïde, présentent une taille et un aspect variables tout au long de l’échelle animale. Ils sont produits soit isolés, soit groupés sous une même enveloppe, soit agglutinés en grappes. Les œufs d’insectes ont une coquille lisse à reflets métalliques, ceux d’araignées sont réunis dans un cocon soyeux, ceux d’amphibiens sont mous et gélatineux, ceux des oiseaux sont limités par une enveloppe calcifiée. Si la plupart des espèces abandonnent leurs œufs dans un milieu favorable à leur développement, d’autres les transportent fixés à leurs pattes ou sur leur dos ou les couvent jusqu’à l’éclosion du jeune. Chez les animaux vivipares, l’œuf est pondu à l’intérieur de l’organisme maternel, où il se développe jusqu’à un stade variable avec l’espèce.

La taille des œufs change considérablement avec les espèces; elle n’est pas proportionnelle à celle de l’organisme qui les a produits. Les quantités de réserves accumulées sont liées aux conditions de milieu où l’œuf va se développer, et non à la taille de l’individu qu’il va former. Le volume de l’œuf est toujours supérieur à celui de toutes les autres cellules chez la même espèce: ainsi l’œuf des Mammifères placentaires, peu chargé en réserves, a un volume qui varie entre 100 000 et 3 millions de 猪m3, alors que le volume des autres cellules varie entre 200 et 15 000 猪m3. Le volume de l’œuf dépasse de façon considérable celui du gamète mâle correspondant: 10 000 spermatozoïdes sont équivalents au volume d’un œuf humain, 300 millions à celui d’un œuf de grenouille. Le volume de l’œuf d’oiseau, encombré de vitellus, est énorme: l’œuf de poule pèse en moyenne 60 grammes, celui de l’autruche peut atteindre 2 000 grammes.

La production d’œufs par un organisme peut être importante mais ne saurait rivaliser avec celle des spermatozoïdes. Elle est d’autant plus considérable que l’œuf est plus vulnérable et a le moins de chances de survivre dans le milieu où il est déposé; une telle surproduction a une finalité, celle de perpétuer l’espèce. Ainsi, chaque année, l’ascaris pond environ 60 millions d’œufs, la grenouille 2 000 à 4 000, le triton 200 à 300. Une poule de race sélectionnée peut pondre 300 œufs par an, soit quatre fois son propre poids, alors que l’oiseau sauvage en produit seulement quelques-uns. Par kilo de poids, les poissons peuvent pondre: 2 à 3 millions d’œufs pour l’esturgeon (caviar), 100 000 pour la carpe, 200 à 1 000 pour le saumon et la truite. Une reine d’abeilles pond environ 1 à 2 millions d’œufs pendant sa vie, une mouche seulement un millier. Chez la femme, l’ovaire contient de 5 à 10 millions d’ovocytes dont seulement 400 à 500 arrivent à maturité et sont ovulés pendant sa vie; les autres ovocytes involuent et disparaissent. Ce nombre ne peut être comparé avec celui du sperme humain qui contient 60 à 100 millions de spermatozoïdes par centimètre cube, un homme en produisant environ mille milliards pendant sa vie!

Le fragile organisme qui se développe dans l’œuf doit dans la plupart des cas y trouver aussi ses réserves nutritives et sa protection contre les agressions du milieu extérieur. Les enveloppes de l’œuf ont des structures et des consistances fort variables mais restent perméables aux échanges respiratoires et à l’humidité. L’œuf, même d’apparence nue (Spongiaires, Cœlentérés), est limité par une membrane plasmatique propre (membrane vitelline) qui maintient sa forme et assure sa cohésion. Des membranes secondaires (chorion, zona radiata), formées par les cellules annexes de l’œuf, et des membranes tertiaires (capsule, gangue, coquille), produites par des glandes du conduit génital, assureront sa protection.

Contrairement au spermatozoïde qui a une structure hautement spécialisée, l’œuf vierge (haploïde) ne paraît pas être bien différencié. Il constitue un système équipotentiel au contenu homogène qui subira après la fécondation une redistribution de matériel le rendant plus ou moins hétérogène (plasmes, gradients) suivant les espèces. Selon leur teneur en réserves vitellines, les œufs sont classés en différents types et vont subir divers modes de segmentation (fig. 2). Ces réserves ont été formées et stockées dans l’œuf (ovocyte) pendant son séjour dans l’ovaire. Une partie des protéines vitellines est synthétisée en dehors de l’ovaire, par le foie, puis incorporée dans les ovocytes par divers modes de transfert leur permettant de franchir la couronne folliculaire (le follicule n’étant pas irrigué). Les réserves de l’œuf sont destinées à être utilisées par l’embryon au cours de son développement.

L’œuf fécondé (diploïde) est une cellule unique possédant dans son noyau le patrimoine génétique apporté par les deux gamètes parentaux. Il contient ainsi toutes les informations génétiques nécessaires au déroulement du programme qui va le transformer en individu pluricellulaire.

Modes de segmentation

Lorsque les conditions intrinsèques (fécondation) et ambiantes (température, humidité) sont réunies, l’œuf va commencer son développement. Celui-ci débute par la segmentation qui va transformer la cellule unique en une masse pluricellulaire ou blastula. Les cellules formées (blastomères) deviennent de plus en plus petites, et leur équilibre nucléo-cytoplasmique tend vers une valeur normale caractéristique de l’espèce. On distingue deux étapes au cours de la multiplication des cellules. D’abord une phase de divisions rapides et synchrones, avec réplication d’ADN, mais sans transcription d’ARN. Puis une phase désynchronisée de divisions plus lentes et variables, accompagnée d’une transcription active d’ARN. La première phase est indépendante de l’expression du génome et dépend de facteurs cytoplasmiques qualitatifs; la seconde phase du programme cellulaire pourrait débuter dès que le matériel nucléaire a atteint une valeur quantitative critique.

Les divisions de segmentation ne se font pas au hasard, mais suivent des règles spatiales bien précises, constantes pour l’espèce et pour le type d’œuf. Cependant, quelle que soit la teneur en vitellus, les premières divisions suivent les mêmes règles. Le premier sillon de segmentation est perpendiculaire au fuseau (celui-ci est orienté suivant le grand axe de la masse cytoplasmique de l’œuf la moins riche en enclaves). La deuxième division, perpendiculaire et méridienne, aboutit à la constitution de 4 blastomères à peu près égaux. C’est à partir de ce stade que la quantité de vitellus va influencer la suite du clivage et déterminer le type de segmentation. Dans les œufs holoblastiques, elle est totale et concerne toute la masse de l’œuf. Dans les œufs méroblastiques, elle est partielle et ne fragmente que la partie cytoplasmique en laissant la partie vitelline indivise (fig. 1).

La segmentation est totale et radiaire pour l’œuf pauvre en vitellus (oursin). Les fuseaux de segmentation sont alternativement horizontaux (clivage méridien, blastomères verticaux) et verticaux (clivage latitudinal, blastomères horizontaux). Il en résulte une blastula à symétrie radiaire par rapport à l’axe de l’œuf (fig. 2 a). La segmentation totale peut aussi être bilatérale , comme c’est le cas chez l’ascidie (fig. 2 b). Le premier plan de segmentation correspond au plan de symétrie bilatérale de l’embryon et le développement est symétrique de chaque côté de ce plan (dans la figure, E: ectoplasme; C: cordoplasme; D: endoplasme; M: territoire mésoblastique; B: zone du blastopore). La segmentation, totale et égale au début, peut devenir rapidement inégale (Amphibiens et Mammifères). Chez la grenouille, le premier sillon méridien fait un angle de 0 à 900 avec le plan de symétrie de l’œuf (qui traverse le croissant gris). Par suite de la répartition du vitellus, le troisième clivage est sus-équatorial et donne 4 blastomères supérieurs, au pôle animal, et 4 blastomères inférieurs plus gros, au pôle végétatif. Les clivages ultérieurs sont asynchrones, le pôle animal se divisant plus vite que le pôle végétatif (fig. 2 c). Chez les Mammifères, la segmentation est lente et les deux premiers blastomères sont souvent inégaux. Les blastomères supérieurs, riches en ARN, se divisent plus vite que les blastomères inférieurs qui ont tendance à s’étirer et à former une couche enveloppante: le trophoblaste (fig. 2 d). La segmentation totale peut enfin être spirale (annélides, némertes, mollusques lamellibranches et gastéropodes). Les fuseaux de segmentation sont obliques et il en résulte un étagement horizontal alterné des blastomères. La ligne qui passe d’un pôle à l’autre, entre les blastomères, suit une spirale autour de l’axe de l’œuf.

Dans les œufs riches en vitellus, la segmentation est seulement partielle et ne divise que la partie cytoplasmique du germe. Chez les Insectes à œufs centrolécithes, la segmentation est superficielle . Au début, les noyaux se divisent plusieurs fois avant qu’apparaissent des limites cellulaires; ils gagnent ensuite la périphérie où ils forment tout autour de la masse vitelline centrale un blastoderme périphérique ou périblaste (fig. 2 f). Dans les œufs volumineux très riches en vitellus, le cytoplasme est fortement refoulé à un pôle de l’œuf au-dessus de la masse vitelline; la segmentation est discoïdale et aboutit à un blastodisque. C’est la règle pour les œufs de céphalopodes, poissons, reptiles et oiseaux (fig. 2 e et g).

Dans tous les types de segmentation, les divisions se succèdent sans interruption et suivant les mêmes principes. Elles aboutissent d’abord à une sphérule pleine ou morula puis à une blastula groupant les blastomères autour d’une cavité plus ou moins centrale, le blastocèle (fig. 2). Chez les Amphibiens, cette cavité se forme par l’accroissement de fentes entre les blastomères animaux profonds; chez les Poissons, le matériel situé sous le plancher du blastocèle reste insegmenté. Chez les Reptiles et les Oiseaux, le blastocèle ne sépare pas les blastomères: le blastodisque repose sur un espace rempli de vitellus liquéfié. Chez les Mammifères, les cellules inférieures de la morula s’aplatissent et la délamination entre les blastomères inférieurs et supérieurs crée une cavité remplie de sérosité (fig. 2 d). Le blastocyste parvient dans l’utérus où il va s’implanter dans une crypte de la muqueuse (nidation) et y poursuivre son développement. La segmentation se déroule pendant des durées variant selon l’espèce (24 h pour l’œuf de grenouille et de poule, 4 jours pour l’œuf humain).

La segmentation est normalement déclenchée par la fécondation. Elle peut aussi être provoquée expérimentalement par divers facteurs activants, en présence du seul noyau de l’œuf vierge (parthénogenèse). La segmentation a même été obtenue en l’absence totale de noyaux des gamètes, par transplantation de noyaux plus évolués dans l’œuf énucléé et activé (transplantations nucléaires, Amphibiens). Des noyaux de blastulas peuvent donner un développement complet jusqu’au stade adulte. En revanche, des noyaux plus âgés (gastrula avancée ou neurula) donnent rapidement un blocage de la segmentation de l’œuf receveur (arrêt par caryopathies au stade gastrula). Par ailleurs, du cytoplasme injecté à l’œuf va également provoquer un arrêt du développement à ce stade. Ces expériences soulignent l’importance des relations nucléo-cytoplasmiques au cours de l’ontogenèse.

L’œuf vierge est un système équipotentiel capable de donner une larve complète à partir de n’importe quel fragment fécondé et suffisamment grand. La fécondation introduit une ségrégation de matériel (vitellus, pigment, grains de ARN), visible dans certains cas (ascidie, oursin, grenouille). La segmentation, en induisant des inégalités de répartition du matériel dans les blastomères, réduit progressivement la totipotentialité de l’œuf. À cet égard, on peut distinguer des œufs à régulation et des œufs à mosaïque. Les premiers ne possèdent pas de préorganisation et sont capables de rétablir l’unité en cas de déficience ou d’excès de matériel (oursin, triton, canard, tatou). Les seconds ont des territoires préformés dont la destinée est orientée très tôt; une moitié de germe ne peut donner qu’une moitié d’embryon (ascidie, annélide, mollusque).

Actuellement, l’étude de la segmentation recourt à des techniques permettant de mieux aborder la dynamique des événements: microcinématographie, autoradiographie, microscopie à balayage. Par des marquages naturels (noyaux de caille et de poulet, cf. EMBRYOLOGIE ANIMALE), on peut également suivre le sort des différentes cellules du blastoderme. Des méthodes plus récentes mettent l’accent sur l’étude des facteurs liés à la multiplication, la migration et l’assemblage des cellules. On a trouvé en particulier que des glycoprotéines présentes à la surface des cellules jouent un rôle important dans les agencements et dans les déplacements cellulaires. L’expérimentation tente d’établir les liens chronologiques, spatiaux et moléculaires des divers phénomènes du développement.

Un exemple de segmentation totale: l’œuf d’oursin (fécondation et développement externes)

Comme le montre l’activation parthénogénétique, l’œuf vierge comprend déjà tous les éléments nécessaires à la différenciation ultérieure de la larve (pluteus). La segmentation de l’œuf fécondé va s’effectuer selon un programme chronologique et spatial précis. Des facteurs de polarité (déjà déterminés dans l’ovaire) vont rapidement délimiter les deux territoires ecto- et endomésodermique. Les deux premiers plans de clivage passent par l’axe des pôles et forment 4 blastomères. L’expérience montre que chacun de ces blastomères peut séparément former une petite larve normale. Le troisième plan de segmentation équatorial révèle la polarité de l’œuf. En effet, les 4 blastomères du pôle animal, isolés, peuvent donner une larve ciliée (ectoderme), et ceux du pôle végétatif une larve où prédominent les structures ento-mésodermiques. Aux stades 16 et 32 cellules, on distingue les mésomères, les macromères et les micromères, qui donneront respectivement l’ectoderme, l’endomésoderme et le mésenchyme primaire (fig. 2 b). La délimitation de ces territoires résulterait de l’activation de gènes, déterminée par des signaux extra-nucléaires liés à la polarité des œufs. Chaque cellule contiendrait initialement les deux tendances territoriales en proportions variables selon leur position par rapport à l’axe des pôles. Cela se manifeste par la présence de gradients de mitoses, d’énergie... entre le quatrième clivage et le stade blastula. Entre les différents blastomères, on n’a pas pu mettre en évidence des différences dans la répartition des mitochondries ni dans la qualité des protéines. En revanche, des différences au niveau des histones suggèrent une transcription différentielle des gènes. Pendant le développement normal, l’équilibre entre les territoires est bien contrôlé. Il peut cependant être perturbé expérimentalement par des agents très variés, capables de renforcer une des tendances polaires aux dépens de l’autre (phénomènes d’animalisation ou de végétalisation).

La segmentation débouche sur la formation d’une blastula à cavité centrale et à symétrie radiaire (fig. 2 a). Son développement va se poursuivre par la gastrulation (cf. chap. 2, fig. 6).

Un exemple de type discoïdal: l’œuf de poule et sa segmentation (fécondation et début de développement internes)

Dans l’ovaire de la poule, l’œuf est d’abord une grosse cellule haploïde, l’ovocyte, avec ses réserves de vitellus. Peu de temps après avoir quitté l’ovaire, il est fécondé (dans le pavillon de l’oviducte) et achève sa deuxième division de maturation. L’œuf est alors une cellule diploïde; sa segmentation, de type discoïdal, débute 3 à 5 heures plus tard (dans l’isthme). Le premier sillon est superficiel et se creuse selon un diamètre; le deuxième (15 à 20 min après) est perpendiculaire au premier, et le troisième (45 à 60 mn après) se creuse dans un plan vertical par rapport au deuxième et parallèlement au premier. Le germe est alors fragmenté en 8 blastomères et l’œuf aboutit dans la partie basse de l’oviducte (utérus). Au stade 32 cellules, le germe est devenu un blastodisque. Des clivages horizontaux et en profondeur vont alors former un espace entre les blastomères centraux et la masse vitelline sous-jacente; c’est la cavité de segmentation, ou sous-germinale. Pendant la période de clivage, on peut distinguer trois étapes:

– Formation du blastoderme par augmentation du nombre des cellules et diminution de leur taille.

– Formation de l’aire pellucide: des cellules sont éliminées vers la cavité selon un processus postério-antérieur, et la couche monocellulaire superficielle du blastoderme formera l’épiblaste.

– Après 20 heures de vie intra-utérine, l’épiblaste recouvre un hypoblaste primaire et polarisé (germe diblastique). L’œuf est alors au stade blastula. C’est à ce stade qu’il sera pondu (fig 3).

Pendant sa descente dans l’oviducte, deux événements importants ont accompagné la segmentation de l’œuf. D’une part, sa symétrisation: l’axe du futur embryon est déterminé selon un processus graduel, corrélé avec les processus morphogénétiques de l’aire pellucide et lié à la force de gravité. En règle générale, l’axe de l’embryon est perpendiculaire à l’axe des pôles (règle de von Baer) ou légèrement décalé vers la droite. D’autre part, l’œuf a été complété par un dépôt d’albumine et par la formation d’une membrane coquillière et de coquille, respectivement dans le magnum, l’isthme et l’utérus. Après avoir reçu ces réserves et enveloppes protectrices il va être pondu. Dans cet œuf, on va distinguer le blanc (albumine), le jaune (vitellus) et le germe (cicatricule) au stade blastula s’il a été fécondé. Celui-ci comporte une zone centrale transparente (l’aire pellucide), reposant sur la cavité sous-germinale remplie de vitellus liquéfié, et une zone périphérique (l’aire opaque), formée par l’anneau des blastomères périphériques qui s’appliquent sur le vitellus solide (fig. 3, schéma central). Le jaune comporte des couches concentriques alternées; il est délimité par la membrane vitelline (anhiste).

L’ovocyte fécondé (initialement central) se trouve refoulé à la surface du jaune, au-dessus de la couche de vitellus qui lui a cédé sa place (noyau de Pander). Cet ensemble est maintenu en équilibre dans l’albumine par des tortillons gélatineux plus denses, les chalazes, qui maintiendront l’embryon sur le dessus lors des rotations de l’œuf pendant l’incubation. La coquille est tapissée par une membrane double qui se sépare au gros bout de l’œuf, formant la chambre à air, dont le volume augmente avec la durée de conservation des œufs (indice de fraîcheur).

La coquille, minéralisée dans l’utérus et durcie à l’air, est une structure rigide formée de cristaux de calcite. Ceux-ci sont espacés par des pores microscopiques (environ 10 000), qui occupent approximativement 0,2 p. 100 de la surface de l’œuf de poule. Selon les espèces d’oiseaux, ces pores ont des stuctures simples ou complexes. Ils vont permettre les échanges avec le milieu extérieur, particulièrement importants pendant le développement de l’embryon. Ainsi, chez le poulet, pendant les 21 jours d’incubation, l’embryon va absorber 6 litres d’oxygène et décharger 4,5 litres de gaz carbonique et 11 litres de vapeur d’eau!

Lorsque l’œuf est pondu, les processus de développement embryonnaire – amorcés dans le corps maternel – vont s’arrêter et cette interruption peut durer une dizaine de jours sans dommage pour le futur développement. Celui-ci pourra se poursuivre lorsque les conditions adéquates d’incubation seront réalisées; la segmentation sera alors suivie par la gastrulation. L’hypoblaste donnera l’endoblaste; l’épiblaste formera l’ectomésoblaste.

L’œuf d’oiseau est un œuf à régulation: par un morcellement expérimental du blastoderme de l’œuf de cane fécondé mais non incubé, on peut obtenir la polyembryonie. Selon l’emplacement des fissurations, le germe donne des embryons bien séparés ou des monstres doubles dans leur partie antérieure (en Y) ou dans leur partie postérieure (en).

2. Gastrulation et feuillets embryonnaires

Modalités de la gastrulation

Invagination, ou embolie

Dans le cas le plus simple, la gastrulation consiste en une invagination d’un pôle de la blastula dans l’autre. Par application d’un feuillet contre l’autre, la cavité de segmentation, ou blastocœle, devient virtuelle. Elle est remplacée par une autre cavité, tapissée par le feuillet endodermique, et appelée archenteron, ou intestin primitif. L’archenteron communique avec l’extérieur par le blastopore (fig. 4 a). Tandis que l’archenteron s’agrandit, le blastocœle se réduit et finit par disparaître. Ce processus de gastrulation s’observe chez l’oursin et l’amphioxus.

Recouvrement, ou épibolie

Dans certains cas, la cavité de segmentation fait défaut. L’embryon devient alors une sterroblastula, composée de deux sortes de blastomères: les micromères, au pôle animal, et les macromères, au pôle végétatif. Du fait que le blastocœle manque, l’invagination ne peut avoir lieu. Les micromères se multiplient activement et finissent par envelopper complètement les macromères (fig. 4 b).

Ce mouvement d’épibolie se rencontre chez les Échiuriens. Chez les Amphibiens, la gastrulation se fait par combinaison des deux modalités, embolie suivie d’épibolie.

Délamination

Les cellules de la cœloblastula, quand celle-ci se forme, se divisent de telle manière que les plans de clivage se font parallèlement à la surface de l’œuf. La blastula unistratifiée se transforme en une gastrula didermique, le feuillet interne qui résulte de cette délamination délimite l’archenteron (fig. 4 c, d). Il n’y a pas ici de blastopore, celui-ci s’ouvrira par la suite.

La gastrula des Cœlentérés se développe suivant ce processus. Chez les Insectes, dont les œufs sont centrolécithes, c’est-à-dire à vitellus central et à segmentation superficielle, les noyaux superficiels s’isolent des noyaux profonds par cloisonnement tangentiel; l’endoderme vient ainsi entourer complètement le vitellus.

Immigration

Chez les Vertébrés supérieurs, des cellules de la blastula migrent dans le blastocœle. Ces cellules peuvent d’emblée former un feuillet compact s’insinuant sous l’ectoblaste. Cela se produit si le blastocœle est petit. S’il est important, les cellules qui y migrent évoluent librement et s’organisent spontanément en un feuillet interne.

Le processus de prolifération polaire est à rapprocher de la gastrulation par épibolie. La prolifération des micromères, caractéristique de l’épibolie, favorise le refoulement des macromères du pôle végétatif vers l’intérieur de l’embryon. Cet exemple se retrouve chez quelques Cœlentérés.

Mise en place des feuillets

Après ces divers processus qui conduisent à la formation de la gastrula, d’importants mouvements morphogénétiques, variables selon les groupes, peuvent être observés. On assiste alors à une modification de l’embryon. Il apparaît des bras, des plaques ciliées dans le cas des larves aquatiques; il se développe des territoires axiaux comme la plaque nerveuse des Cordés (ou Chordés). À partir de ce moment, l’ébauche embryonnaire acquiert sa symétrie bilatérale.

À la fin de cette période évolutive, certains territoires se déterminent et commencent leur différenciation histologique. Ainsi, l’ectoblaste de la gastrula se modifie dans sa partie axiale pour former une plaque neurale. De part et d’autre de cette plaque, les éléments de l’ectoblaste prolifèrent et forment l’ectoderme proprement dit, qui recouvre toute la gastrula; cette partie dérivée de l’ectoblaste est également appelée épiblaste. De même, l’endoblaste donne naissance au feuillet intermédiaire, ou mésoblaste, ou mésoderme, ainsi qu’à la corde dorsale. Ce qui reste de l’endoblaste devient l’endoderme, ou hypoblaste.

La gastrula comprend finalement cinq constituants fondamentaux qui sont la plaque neurale et l’épiblaste, tous deux dérivés de l’ectoblaste, puis la corde dorsale, le mésoblaste et l’hypoblaste, dérivés tous trois de l’endoblaste. Ces éléments s’organisent (organogenèse) et se différencient en organes qui acquièrent leur spécialisation et deviennent fonctionnels à un stade plus évolué. L’embryon se transforme alors en une larve capable de mener une vie autonome.

C’est d’une part chez les Invertébrés, d’autre part chez l’amphioxus, que ces phénomènes de mise en place sont les plus visibles.

Cas des Invertébrés

Gastrulation chez les Invertébrés à deux feuillets

Ces animaux ne possèdent pour base de leur différenciation que les deux feuillets ectodermique et endodermique. Ils offrent la particularité de ne pas posséder de mésoderme. Parmi eux, nous rencontrons les Spongiaires et les Cœlentérés, en particulier les Cnidaires et les Cténaires.

Au cours de la segmentation, il apparaît chez les Spongiaires et les Cœlentérés seize macromères au pôle végétatif de la blastula, tandis que se différencient des micromères au pôle animal. Il n’y a pas dans ce cas précis de blastocœle, l’arrangement cellulaire obéira donc au type de gastrulation par épibolie (fig. 5 a).

La prolifération des micromères aboutit à la formation d’un revêtement cellulaire entourant complètement l’ensemble des macromères, qui sont ainsi refoulés à l’intérieur de l’embryon (fig. 5 b). Ceux-ci ménagent entre eux une cavité, apparentée à un archenteron. Nous voyons ainsi que les macromères sont destinés à devenir endodermiques, tandis que les micromères formeront les cellules ectodermiques primitives. Certains de ces micromères, constituant le revêtement épidermique du blastopore, viendront par la suite garnir l’archenteron.

Dans le même temps, les macromères bourgeonnent de petites cellules, ou micromères secondaires, et tapissent le toit de l’archenteron. Une fois en place, ils se multiplient et s’organisent suivant une disposition radiaire laissant présager l’aspect futur de l’animal adulte, du moins chez les Cœlentérés. Ces micromères participent ultérieurement à l’édification de la musculature des tentacules, ainsi qu’à la formation partielle de la mésoglée; on nomme ainsi une sorte de gelée qui s’insère entre les feuillets ectodermique et endodermique; elle dérive de la couche ectodermique par délamination d’une couche moyenne, après que l’endoderme, qui s’est formé entre-temps, lui a fourni plusieurs éléments. Bien que la plupart des chercheurs s’accordent à penser que la mésoglée est un dérivé ectomésenchymateux assimilable à un mésoderme, on ne peut toutefois pas considérer celle-ci comme un feuillet «à part entière», du fait qu’elle n’est pas une couche de formation.

Gastrulation chez les Invertébrés à trois feuillets

L’exemple le plus classique est fourni ici par les échinodermes, notamment l’oursin.

La segmentation conduit à l’obtention d’une cœloblastula à l’aspect globuleux. Lorsque la gastrulation commence, le pôle végétatif de la blastula s’aplatit, tandis qu’une touffe de longs cils vibratiles fait son apparition au pôle animal (fig. 6 a). Des cellules, dérivant des cellules du pôle végétatif, se détachent et migrent dans le blastocœle. Ces cellules forment alors le mésoblaste primaire qui donne naissance aux premiers spicules calcaires (fig. 6 b).

À ce stade, le pôle végétatif, qui s’était aplati dès le début de la phase gastruléenne, s’invagine dans le blastocœle (mouvement d’embolie) et délimite l’archenteron. Celui-ci communique avec l’extérieur par le blastopore qui, chez la larve, devient l’anus (fig. 6 c).

Le fond de l’archenteron libère dans le blastocœle des cellules qui constituent une seconde génération mésoblastique, le mésoblaste secondaire. Celui-ci est à la base de la formation des éléments sanguins de l’animal. Au fond de l’archenteron se forme une vésicule impaire, qui se partage ensuite en deux parties pour former le cœlome de la larve (fig. 6 d). Finalement, la gastrula est composée de trois feuillets: l’ectoblaste formant le revêtement externe, l’endoblaste qui tapisse l’archenteron, et le mésoblaste dont l’origine est double. Ici la gastrulation fait donc intervenir, d’une part un mouvement d’embolie, d’autre part un mouvement d’immigration cellulaire.

Cas des Cordés anamniotes

La gastrulation chez les Cordés varie suivant qu’on l’étudie dans un groupe ou dans un autre. Ici, une distinction s’impose entre les Vertébrés anamniotes, c’est-à-dire dépourvus d’annexes embryonnaires, et les Vertébrés amniotes, c’est-à-dire ceux qui en sont pourvus. Les processus de gastrulation, bien que différents les uns des autres, présentent de nombreuses analogies, et constituent par le fait autant de «variations sur un même thème».

Gastrulation chez l’amphioxus

L’exemple de l’amphioxus est le plus clair et permet de mieux comprendre les phénomènes de gastrulation chez les formes les plus évoluées.

La blastula de l’amphioxus est composée d’une seule assise cellulaire. Les éléments correspondant au pôle vitellin s’invaginent dans la cavité de segmentation suivant le mode de l’embolie (fig. 4 a), et la larve affecte alors la forme d’une cloche. Les deux feuillets ainsi invaginés l’un dans l’autre s’appliquent l’un contre l’autre, et la cavité de segmentation, de ce fait, devient virtuelle. L’aspect de la gastrula rappelle celui d’un ballon de rugby. On y distingue une région dorsale et une région ventrale; la région postérieure est occupée par le blastopore qui tend à se fermer.

Bientôt, les cellules ectodermiques de la région dorsale deviennent plus hautes, et le territoire qu’elles occupent s’aplatit. C’est la première ébauche de la plaque médullaire, qui se creuse (fig. 7 a) en une gouttière neurale; elle est à l’origine du futur système nerveux. Dans le même temps, il apparaît, de part et d’autre de l’endoderme, deux replis latéro-dorsaux qui se disposent entre l’endoderme, l’ectoderme et la gouttière neurale. Ces replis progressent de l’arrière vers l’avant, de sorte que leur état d’évolution est plus poussé dans la partie antérieure que vers le blastopore (fig. 7 b). Dans leur croissance, ils se détachent peu à peu du feuillet endodermique, se referment sur eux-mêmes et enserrent la cavité appelée cœlome, ou cavité cœlomique. Ces éléments devenus ainsi indépendants de l’endoderme constituent le mésoderme. Celui-ci se segmente en éléments réguliers, qui sont les somites. Tous les somites sont semblables et destinés à évoluer dans le même sens, à quelques exceptions près.

Tandis que se forment les ébauches latérales destinées à former le mésoderme, il se différencie, également à partir de l’endoderme, une ébauche médiodorsale qui fournit l’axe de soutien embryonnaire caractéristique des vertébrés, la corde dorsale. Cet axe de soutien se détache de l’endoderme et se transforme en un cordon plein et continu (fig. 7 c).

À partir de ce moment, on est en présence d’un organisme larvaire dans lequel le mésoderme vient s’associer aux deux feuillets primitifs. Ces trois feuillets fondamentaux sont donc à la base de toute l’organisation de l’animal adulte.

L’ectoderme d’une part évolue en une plaque neurale, d’autre part il est à l’origine de la peau. Par la suite, cet ectoderme se perce dans la partie antérieure de l’embryon au niveau d’une dépression plus ou moins profonde, le stomodaeum. Ainsi se constitue la bouche qui met en relation l’archenteron antérieur avec l’extérieur. L’anus se forme de manière analogue à la partie postérieure de la larve.

La plaque neurale se transforme peu à peu en une gouttière médullaire, qui est elle-même à l’origine du névraxe, et par extension de tout le système nerveux.

L’endoderme devient l’épithélium du tube digestif, tandis que la corde embryonnaire se transforme en un axe qui persiste pendant toute la vie de l’individu (il convient de préciser que cet axe se retrouve intégralement chez les cyclostomes).

Le mésoderme évolue de manière plus complexe. Il s’étale ventralement à partir de chaque somite jusqu’à la base de l’endoderme. Le segment dorsal devient l’épimère, dont dérivent les masses musculaires. La partie ventrale est l’hypomère et forme la cavité générale du corps de l’animal. La région comprise entre l’épimère et l’hypomère est appelée mésomère, qui est à l’origine des appareils excréteur et génital.

Étant creusé par le cœlome, le mésoderme est divisé en deux parties constituant deux nouveaux feuillets. Le feuillet externe, appliqué contre la paroi du corps, forme la somatopleure. Le feuillet interne, qui s’applique contre l’intestin et les viscères, est la splanchnopleure (fig. 7 d).

Tel se présente le développement chez un Cordé primitif. À partir de cet exemple simple qu’est l’amphioxus, on retrouve, à quelques variations près, les mêmes phénomènes initiaux aboutissant à la formation des feuillets embryonnaires chez tous les Vertébrés des différents groupes.

Gastrulation chez les Amphibiens

L’œuf d’Amphibien est hétérolécithe, c’est-à-dire qu’il possède une réserve de vitellus importante, qui permet un développement parfaitement autonome.

La blastula d’Amphibien possède deux séries de cellules: au pôle animal de la larve, des micromères, au pôle végétatif, des macromères, de taille plus importante. Entre ces deux groupes de cellules se trouve une cavité de segmentation, plus proche du pôle animal que du pôle vitellin.

Lorsque la gastrulation débute, il apparaît dans la blastula une invagination postérieure en forme de repli à concavité ventrale (fig. 8 a), qui s’accroît et tend à constituer un rebord circulaire correspondant au blastopore. Dans celui-ci fait saillie une masse de cellules vitellines, le bouchon vitellin (fig. 8 a). La partie dorsale du rebord blastoporal, ou lèvre dorsale du blastopore, joue par la suite un rôle particulièrement important dans l’organogenèse.

Les micromères situés dorsalement par rapport à l’invagination blastoporale sont les premiers à pénétrer dans le blastocœle, il s’agit donc d’un phénomène d’embolie (fig. 8 b).

Par accroissement rapide du nombre des micromères, la lèvre dorsale du blastopore s’agrandit, puis apparaît la lèvre ventrale, aux dépens d’éléments de la zone marginale antérieure. Au cours de cette croissance, la lèvre dorsale du blastopore réalise un mouvement d’épibolie. L’archenteron s’allonge vers l’avant, tandis que la cavité de segmentation se réduit et finalement s’oblitère.

Le mésoderme des Amphibiens apparaît sur les côtés de l’archenteron et de la ligne primitive, sous forme de deux lames qui fusionnent latéralement et se clivent ensuite. Toutefois, les feuillets somatopleural et splanchnopleural restent plus longtemps en liaison avec l’endoderme, de sorte que la somatopleure est rattachée à l’ébauche dorsale, tandis que la splanchnopleure reste en relation avec l’endoderme vitellin.

Ventralement, il se forme au niveau de la lèvre blastoporale une seconde masse mésodermique, impaire et médiane; elle se clive également en somatopleure et splanchnopleure, mais ne porte aucune trace de segmentation et n’évolue donc pas en somites.

Comme chez l’amphioxus, la plaque neurale est à l’origine du système nerveux de l’adulte. De même, la corde dorsale se différencie à partir du feuillet endodermique, mais elle ne persiste que pendant un temps relativement court, pour laisser la place à des vertèbres ossifiées.

Un point intéressant mérite d’être signalé chez les Amphibiens. La lèvre dorsale du blastopore présente une expansion médiane, qui se déprime légèrement vers l’avant. C’est la ligne primitive, zone de multiplication cellulaire active à partir de laquelle prolifère la lèvre blastoporale. Cette croissance favorise l’allongement de l’embryon. En avant de cette ligne primitive apparaît un repli, qui marque l’ébauche du futur encéphale (fig. 9 a). Ce repli tend peu à peu à se fermer vers la région postérieure. À partir de ce stade, on quitte la phase de gastrulation pour entrer dans la phase de neurulation, au cours de laquelle la morphologie de l’embryon se complique d’organes nouveaux.

Gastrulation chez les Sélaciens

Certains des caractères du développement des amniotes sont déjà annoncés dans l’embryogenèse des Poissons cartilagineux. L’embryon de Sélacien se développe à partir d’un disque germinatif, formé de plusieurs couches de cellules qui se disposent petit à petit en une sorte d’épithélium, séparé du vitellus par une cavité qui équivaut à un blastocœle.

Dans la région postérieure du disque germinatif apparaît une invagination médiane, qui s’allonge et glisse progressivement vers l’avant (fig. 9 b). Cette invagination médiane correspond à la lèvre dorsale du blastopore des Amphibiens. Le retard de développement de la lèvre ventrale est alors très grand, en raison de la grande quantité de vitellus que le disque embryonnaire doit recouvrir. Toute la masse vitelline visible constitue en quelque sorte un énorme bouchon vitellin qui ne se réduit que lorsque le blastoderme a envahi toute la surface vitelline. Il se produit donc ici un mouvement d’enveloppement.

Au cours de cette gastrulation se différencie un ectoderme à partir duquel se développe une plaque neurale. L’endoderme limite l’archenteron qui s’étend dans la partie antérieure et donne naissance à la corde dorsale.

À mesure qu’il se creuse d’une cavité, le mésoderme se dispose en somites, comme chez l’amphioxus. Mais seule la partie dorsale du mésoderme se segmente ainsi. La partie ventrale demeure entière et les deux symétriques se fusionnent dans le plan médian, formant ainsi une cavité générale, ou cœlome définitif. La partie moyenne, correspondant au mésomère, différencie d’une part les tubes rénaux, d’autre part l’ébauche sexuelle.

Cas des Cordés amniotes

Gastrulation chez les Reptiles et les Oiseaux

Chez ces amniotes, l’embryon a l’aspect d’un disque. L’ectoderme et l’endoderme se forment un peu comme chez les Sélaciens, à partir des bords du disque embryonnaire, mais le mésoderme n’est visible que dans la partie centrale de l’embryon.

L’endoderme résulte de la délamination de la partie inférieure du disque embryonnaire. Cette délamination débute dans la région postérieure du futur embryon, là où naît l’invagination blastoporale des formes primitives. Chez les Reptiles, les processus qui s’ensuivent sont très proches de ce qui se passe chez les Sélaciens, avec l’apparition d’un blastopore, petite invagination gastruléenne qui se développe dans le sens caudocéphalique.

Chez les Oiseaux apparaît une ligne primitive, homologue du blastopore reptilien, à partir de laquelle se forme le mésoderme. Cette zone prend naissance à la partie postérieure de l’axe embryonnaire en voie de croissance (fig. 10 a); en grandissant, elle se transforme en une gouttière limitée par deux bourrelets parallèles. Dans sa partie antérieure se différencie un nodule tissulaire, le nœud de Hensen, précédé lui-même par une condensation de tissu formant le prolongement céphalique (fig. 10 b). L’observation et l’expérience montrent que la ligne primitive est le centre d’une très grande activité; ses propriétés, notamment au niveau du nœud de Hensen, font assimiler ce dernier au blastopore des Amphibiens.

Le mésoderme se développe de chaque côté de l’invagination médiodorsale, et migre le long de la gouttière neurale, avant de s’insinuer latéralement entre les feuillets ectodermique et endodermique (fig. 10 c). Par la suite, la gouttière neurale se ferme et se transforme ainsi en un tube nerveux, tandis que le mésoderme s’organise. Malgré la disposition étalée, requise par la forme même de l’œuf, le mésoderme se divise bientôt en somites, placés au voisinage du tube nerveux. À mesure que l’on s’éloigne de celui-ci, les deux feuillets somatopleural et splanchnopleural s’individualisent, encadrant un cœlome aplati et allongé (fig. 10 d).

Une fois les feuillets mis en place, il se forme chez les Reptiles et les Oiseaux un repli antérieur qui limite la tête et progresse des deux côtés de l’embryon. Le corps se sépare alors de la partie du blastoderme qui reste extra-embryonnaire. Ce sont ces deux replis latéraux qui sont à l’origine d’une annexe importante, l’amnios (cf. chap. 3).

Gastrulation chez les Mammifères

L’embryon des Mammifères ne deviendra identique, à beaucoup d’égards, à celui des autres amniotes que lorsque la gastrulation, très particulière, sera achevée.

L’œuf des Mammifères placentaires arrive dans l’utérus à l’état de blastocyste, ou trophoblaste. Le trophoblaste comprend un bouton embryonnaire suspendu dans une cavité à parois minces, ou cavité trophoblastique, d’où dérivent les annexes embryonnaires (fig. 11). Le bouton embryonnaire devient plus ou moins rapidement discoïde et deux couches cellulaires s’y différencient en ectoblaste et endoblaste. C’est donc lui qui représente l’aire embryonnaire qui a été décrite ci-dessus (Reptiles). À la partie postérieure de ce bouton se forme un nodule ou nœud postérieur; puis un second nodule, le nœud de Hensen, se forme plus en avant. Une ligne sombre réunit les deux nœuds et marque ainsi l’axe embryonnaire postérieur: c’est la ligne primitive.

Celle-ci se creuse bientôt en une gouttière primitive dont l’aspect rappelle de beaucoup celui qu’on trouve chez les Oiseaux. Des cellules émigrent de cet épaississement axial, s’insinuent entre les deux feuillets primaires et y constituent le mésoblaste (fig. 12 c, d). Ectoblaste et mésoblaste entrent en contact au niveau de la ligne primitive, mais l’endoblaste en demeure séparé.

Comme chez les Oiseaux, il se forme en avant du nœud de Hensen un prolongement céphalique. Peu de temps après son apparition, le nœud de Hensen recule vers la partie postérieure (fig. 12 a), tandis que le prolongement céphalique s’accroît et que la ligne primitive s’amoindrit jusqu’à disparition quasi complète. À partir de ce stade, les feuillets primaires sont disposés normalement (fig. 12 b) et le développement se poursuit selon le processus qu’on a rencontré chez tous les Vertébrés et chez l’amphioxus.

Gastrulation chez l’Homme

Les connaissances qu’on possède sur les premières phases du développement humain sont encore incomplètes. La partie du bouton embryonnaire qui donne l’ectoblaste correspond à l’aire embryonnaire des autres Mammifères, avec une ligne primitive, un nœud de Hensen et un prolongement céphalique.

Mais ici, comme chez les primates supérieurs et certains autres Mammifères comme la taupe (fig. 13), la blastula comprend, outre la cavité trophoblastique, une autre cavité, dorsale, formée par inversion des feuillets ectodermiques. Cette cavité est donc doublée intérieurement par de l’ectoderme, elle correspond à la future cavité amniotique.

Il en résulte que la portion du bouton embryonnaire destinée à donner l’ectoderme embryonnaire se trouve reléguée à la base de ce qui constitue l’ébauche des annexes. L’endoderme y apparaît, mais en remontant le long de ces ébauches il semble externe par rapport à l’ectoderme. C’est un peu plus tard que cette particularité s’atténue, lorsque l’embryon a réalisé une forte courbure dorsale qui le fait basculer en avant.

Vue d’ensemble sur l’évolution des feuillets

D’après les différents cas qu’on a examinés, on constate que la gastrula est toujours un organisme embryonnaire où se distinguent quelques éléments fondamentaux à partir desquels se développe l’animal adulte. L’étude du développement qu’on vient de faire a souvent obligé à dépasser le simple stade de la mise en place des feuillets embryonnaires, pour aborder celui où commence la différenciation, et qui correspond à la neurulation. En fait, la formation de la neurula est l’étape finale de la gastrulation, il est difficile de dissocier ces deux périodes embryonnaires l’une de l’autre. En effet, les mouvements cellulaires qui conduisent à la formation de la plaque neurale sont contemporains des mouvements de l’invagination des feuillets externes.

La destinée des feuillets primaires n’est pas fixée de manière absolue. Ils n’évoluent que sous certaines conditions qui sont représentées par les phénomènes d’induction. Cette induction, qui détermine en particulier l’apparition de la plaque neurale, a son siège dans la lèvre dorsale du blastopore, dans le cas des Amphibiens, ou dans le nœud de Hensen, dans le cas des Sauropsidés (Reptiles et Oiseaux) et sans doute des Mammifères. Certains expérimentateurs, tels que Spemann, Mangold et Waddington, ont parfaitement mis en évidence ces phénomènes très spéciaux; ils ont pu montrer que ce n’est qu’à la fin de la gastrulation, donc au stade neurula, que les feuillets définitifs sont déterminés et restent comparables entre eux dans toute la série des Vertébrés.

Chez les Vertébrés adultes, les tissus qui composent les différents organes peuvent être directement associés aux feuillets primitifs. Ainsi, on peut considérer que dérivent de l’ectoderme l’épiderme dans son ensemble et ses extensions antérieure et postérieure constituant la bouche et l’intestin postérieur. Les phanères (écailles, plumes, poils), les glandes, les zones sensorielles de l’épithélium nasal et auriculaire, ainsi que le cristallin, sont des dérivés ectodermiques.

L’ébauche neurectodermique aboutit à l’édification de l’ensemble du système nerveux et de la rétine. Des cellules, secondairement détachées du neurectoderme pour former les crêtes neurales, donnent naissance à certaines structures indépendantes du système nerveux, telles que le squelette viscéral, qui entoure les arcs branchiaux, et les cellules pigmentaires.

Le mésoderme constitue la plus grande partie de l’organisme en formant l’appareil locomoteur, squelettique et musculaire, le système circulatoire, le système urogénital et les cavités cœlomiques.

L’endoderme, enfin, forme le système digestif et ses organes annexes, comme le foie et le pancréas. L’appareil respiratoire des Vertébrés supérieurs de même que la partie terminale du système urogénital dérivent également de l’endoderme.

3. Annexes embryonnaires

Définitions

Chez les Vertébrés ovipares (comme les Oiseaux), le développement embryonnaire s’effectue totalement en dehors de la mère. L’embryon de poulet, par exemple, puise, par l’intermédiaire de sa vascularisation vitelline, toutes les substances nutritives nécessaires à son développement, dans le jaune remplissant sa vésicule ombilicale (ou sac vitellin). Cet embryon s’entoure d’une membrane, l’amnios, et baigne dans le liquide qui remplit le sac amniotique. Il accumule ses déchets dans une vésicule, l’allantoïde, qui devient volumineuse et dont les parois portent des capillaires sanguins. L’allantoïde s’accole à la paroi périphérique de l’œuf, ou chorion. C’est au niveau de la membrane chorio-allantoïdienne ainsi vascularisée que s’effectuent les échanges respiratoires de l’embryon avec l’air ambiant, à travers la membrane coquillière. La vésicule ombilicale, l’amnios, le chorion et l’allantoïde constituent les annexes embryonnaires (fig. 14).

Amnios et liquide amniotique

L’embryon des Mammifères, comme celui des Oiseaux et des Reptiles, se recouvre d’une annexe membraneuse caractéristique, que l’on appelle amnios. La membrane amniotique limite une cavité remplie de liquide (le liquide amniotique), dans lequel l’embryon baigne tout au long de son développement.

La formation de l’amnios s’effectue chez les Sauropsidés (Reptiles et Oiseaux), les Monotrèmes, les Marsupiaux et quelques Mammifères euthériens par soulèvement autour de l’embryon de replis ectomésoblastiques (fig. 15), qui, en fusionnant, vont délimiter la cavité amniotique (amniogenèse par plicature, ou plectamnios). Chez de nombreux Mammifères au contraire, et dans l’espèce humaine en particulier, la cavité amniotique se creuse dans la masse même des cellules du bouton embryonnaire (amniogenèse par clivage, ou schizamnios). Chez l’Homme, la cavité amniotique devient extrêmement volumineuse, et, à la fin de la grossesse, l’amnios s’accole à la périphérie du sac ovulaire et forme un amnio-chorion, qui distend la paroi de l’utérus gravide.

La membrane amniotique est formée par une couche épithéliale tapissant une assise conjonctive à feutrage généralement lâche. Cette disposition structurale permet la distension progressive des parois du sac amniotique tout au long de la gestation. La membrane amniotique peut ainsi résister à des pressions considérables. L’étude cytologique et cytochimique de l’amnios humain et animal ainsi que la microscopie électronique ont mis en évidence une activité physiologique intense au niveau de l’épithélium amniotique. Les cultures de cellules amniotiques humaines sont devenues un matériel de choix pour l’expérimentation en biologie cellulaire et la culture de certains virus. L’étude de ces cultures permet également l’analyse du caryotype et la numération des chromosomes du fœtus.

L’existence du liquide qui remplit le sac amniotique des Mammifères est connue depuis la plus haute antiquité. Dans l’espèce humaine, ce liquide est incolore, plus ou moins opalescent, et sa composition chimique reste assez voisine de celle du sérum sanguin fœtal en ce qui concerne les constituants minéraux, mais en diffère par un très faible taux en protéines. L’augmentation de ce taux est liée généralement à une augmentation en volume du liquide (hydramnios). Le renouvellement de l’eau, constituant principal du liquide amniotique, est incessant et extrêmement rapide, comme l’ont démontré la mesure du passage de l’eau lourde et de l’eau tritiée. Il en est de même pour les sels minéraux dissous marqués à l’aide d’indicateurs radioactifs (Na24 entre autres).

L’origine du liquide amniotique, à partir de la circulation sanguine fœtale ou à partir de la circulation sanguine maternelle, a fait l’objet des hypothèses les plus contradictoires (activité sécrétoire propre à l’épithélium amniotique, participation fœtale par excrétion fœtale cutanée, pulmonaire ou urinaire, transsudation à travers l’amnios à partir du sang fœtal, filtration à travers les membranes ovulaires à partir du sang maternel).

Le liquide amniotique offre à l’embryon un milieu aqueux stérile protégeant son développement. La présence de ce «coussinet hydraulique» s’avère indispensable au développement harmonieux des différentes parties de l’embryon et de son placenta. De plus, le compartiment amniotique représente un carrefour métabolique très important pour les échanges materno-fœtaux. Dès que le fœtus peut déglutir, il ingère du liquide amniotique qu’il peut ainsi assimiler par la voie digestive. Il existe donc une régulation physiologique permanente dans le système amniotique constitué par les trois compartiments: circulation maternelle, circulation fœtale et cavité amniotique, entre lesquels s’effectuent tout au long de la gestation des échanges très importants et très rapides.

Vésicule ombilicale

La vésicule ombilicale (ou sac vitellin) est la plus primitive des membranes embryonnaires des Vertébrés. Chez les anamniotes ovipares (Poissons, Batraciens), un sac vitellin bien développé s’observe dans toutes les espèces dont l’œuf est riche en réserves nutritives ou vitellus. Ce sac vitellin régresse tout au long de la croissance embryonnaire et finit par s’incorporer à la paroi intestinale. Chez les requins et les raies vivipares, les parois bien vascularisées du sac vitellin forment un omphaloplacenta à travers lequel s’effectuent des échanges physiologiques entre la mère et l’embryon.

Chez les Reptiles et les Oiseaux ovipares, la vésicule ombilicale est toujours volumineuse. Elle est, comme dans l’œuf de poule, caractérisée par l’abondance des réserves nutritives (ou vitellus) du «jaune» de l’œuf. Le vitellus est constitué par des protéines, des graisses, lécithines et autres phospholipides, du cholestérol, des hydrates de carbone, des sels minéraux et une faible quantité de fer. Ces réserves sont entreposées dans le cytoplasme de l’ovocyte au cours de la vitellogenèse, phénomène qui s’effectue dans l’ovaire avant l’ovulation. La vésicule ombilicale, à laquelle le nom de sac vitellin convient bien mieux alors, reste reliée à l’intestin de l’embryon par la tige vitelline (fig. 14). Le sac vitellin est bien vascularisé par les vaisseaux vitellins qui se ramifient à sa surface. C’est par ces vaisseaux vitellins que les produits de résorption du vitellus atteignent l’embryon, qui les assimile lors de sa différenciation et de sa croissance pendant toute la durée de l’incubation de l’œuf.

Chez les Mammifères, seuls les Monotrèmes à œuf très riche en vitellus conservent un véritable sac vitellin comparable à celui des Reptiles et des Oiseaux. Chez tous les autres Mammifères, vivipares, la vésicule ombilicale ne renferme pour ainsi dire plus de dépôts vitellins (fig. 15 et 16). Elle continue pourtant à se former. Si elle finit tout de même, chez la plupart des Mammifères, par régresser plus ou moins tardivement, elle peut également acquérir, dans certaines espèces, une fonction essentielle au développement intra-utérin du fœtus. Chez certains Marsupiaux (comme cela était déjà le cas d’un petit nombre de Poissons et de Reptiles vivipares), il se forme au contact des tissus maternels un omphaloplacenta ou «placenta de la vésicule ombilicale», qui constitue la zone principale où vont s’effectuer les échanges entre la mère et l’embryon. Un type particulier d’omphaloplacenta se rencontre également chez de nombreux Mammifères (rongeurs, chauves-souris) où, par suite d’une disposition anatomique particulière des annexes fœtales (dite «inversion» plus ou moins complète de la vésicule ombilicale), le plafond de cette dernière (feuillet splanchnopleurique) baigne dans la cavité utérine et s’accole directement à la muqueuse de l’utérus. Le passage de grosses molécules protéiques (anticorps), de fer et de lipides du sang maternel au sang fœtal s’effectue alors exclusivement par ce placenta de la vésicule ombilicale.

En plus de ces fonctions, il convient également d’attribuer à la vésicule ombilicale de l’embryon d’un grand nombre de Mammifères (dont l’Homme) le rôle de premier foyer de formation des cellules sanguines de l’organisme (hématopoïèse).

Allantoïde

Cette annexe prend origine à partir de la paroi ventrale du cloaque embryonnaire (sinus urogénital). L’allantoïde de l’embryon de poulet (fig. 14), comme celui des autres Oiseaux et des Reptiles, a l’aspect d’une petite vésicule qui devient un sac très volumineux en se remplissant d’urine fœtale. Les parois de l’allantoïde se distendent tandis que s’élargit la cavité allantoïdienne. L’allantoïde s’étale progressivement tout autour de l’embryon et finit par s’accoler à la face profonde du chorion ovulaire pour former la membrane chorio-allantoïdienne, très vascularisée, zone d’échanges respiratoires intenses entre le sang de l’embryon et le milieu extérieur.

Chez les différents Mammifères, le développement de l’allantoïde est très variable selon les espèces. Les Monotrèmes possèdent un sac allantoïdien comparable à celui des Reptiles et des Oiseaux. Quant aux autres Mammifères, la forme, la structure et les dimensions de l’allantoïde varient considérablement d’un ordre à l’autre: vaste cavité allantoïdienne chez les carnivores, les périssodactyles et les artiodactyles, sac allantoïdien de volume modéré chez les insectivores et les chauves-souris, allantoïde rudimentaire chez les Rongeurs et la majorité des primates, dont l’homme (fig. 15). Toutefois, le mésoderme allantoïdien reliant l’embryon au chorion de la périphérie de l’œuf (tige corporéale) reste toujours bien développé. Les vaisseaux d’origine allantoïdienne assurent la vascularisation du placenta chorio-allantoïdien (fig. 16).

Le cordon ombilical

Chez les Mammifères, un cordon relie le placenta au fœtus. Il s’étend de l’ombilic fœtal aux zones placentaires du chorion, d’où son nom de cordon ombilical. Revêtu par l’amnios, il incorpore dans sa substance les pédicules allantoïdiens et vitellins (fig. 16). Quel que soit, au cours du développement des différentes espèces, le sort de l’allantoïde ou de la vésicule ombilicale, ce sont toujours les vaisseaux empruntant le cordon ombilical qui unissent la circulation sanguine intra-embryonnaire à la vascularisation des zones d’échanges placentaires. Le cordon ombilical constitue donc la voie de circulation sanguine essentielle à la vie et au développement du fœtus. L’origine, la longueur et le nombre des vaisseaux du cordon ombilical varient considérablement selon les espèces. Il faut tout d’abord distinguer les vaisseaux omphalomésentériques (ou vitellins), qui persistent dans certains cordons (celui du rat par exemple), et les vaisseaux allantoïdiens ou ombilicaux, qui seuls persistent jusqu’au terme chez l’Homme sous la forme de deux artères et d’une veine ombilicale baignant dans une substance interstitielle, appelée gelée de Wharton. La disposition des fibres de la tunique musculaire et les réactions vasomotrices caractérisant les artères du cordon ombilical provoquent l’oblitération spontanée de la lumière vasculaire dans les minutes qui suivent la parturition. Cette fermeture spontanée, ou ligature physiologique, constitue un phénomène essentiel empêchant une hémorragie de se produire quand le fœtus expulsé de l’utérus maternel doit être séparé de son placenta.

Placenta

On nomme d’ordinaire placenta la partie de la couche périphérique du sac ovulaire (chorion) que vascularisent les vaisseaux allantoïdiens et qui s’accole à la muqueuse utérine (ou la pénètre) en vue d’établir des échanges physiologiques entre la mère et le fœtus (fig. 16). Ainsi défini, le terme de placenta ne désigne que les formations d’origine chorio-allantoïdienne qui s’observent chez certains Reptiles vivipares, chez tous les Mammifères euthériens et un petit nombre de Marsupiaux.

On a tout d’abord différencié les placentas par la disposition morphologique des formations chorio-allantoïdiennes à la surface du sac chorionique:

– Le placenta diffus (des Équidés ou des Suidés) se caractérise par la dissémination d’excroissances (ou villosités) de la paroi chorionique sur toute la surface du sac ovulaire.

– Dans le placenta cotylédonaire (Bovidés, Ovidés), les villosités ne se développent que par touffes localisées à certains endroits (les cotylédons), face à des excroissances de la muqueuse utérine (les caroncules). L’interpénétration des cotylédons et des caroncules correspondants forme les placentomes.

– Le placenta zonaire ou annulaire (Canidés, Félidés) se réduit à une ceinture encerclant le sac chorionique.

– Enfin, les formations placentaires peuvent présenter une forme discoïde (Rongeurs, chauves-souris, certains Primates comme l’homme et le babouin) ou bidiscoïde (un grand nombre de singes, comme les macaques ou les cercopithèques).

Le sort, à la parturition, des tissus maternels dérivés de la muqueuse utérine a permis de distinguer:

– Le placenta des espèces déciduées (Rongeurs, Primates, etc.), chez qui certains tissus maternels (formant la «caduque») sont expulsés en même temps que les tissus d’origine fœtale lors du décollement du placenta après la naissance.

– Le placenta des espèces indéciduées (Suidés, Équidés), chez qui la séparation lors du post-partum des structures placentaires s’effectue sans déchirure des tissus maternels.

On a également différencié des placentas selon la configuration de l’ensemble des évaginations chorioniques dérivées de la prolifération du trophoblaste:

– Configuration villeuse (du placenta humain par exemple), lorsque le placenta présente la forme d’un arbre (arbre villositaire) dont les branches portent des feuilles (les villosités).

– Configuration labyrinthique, lorsque les évaginations chorioniques perdent leur individualité pour fusionner en un réseau (labyrinthe placentaire des Rongeurs par exemple).

La classification des catégories placentaires qui reste la plus acceptable est encore celle qu’a proposée Grosser (1927), fondée sur l’analyse histologique approfondie de l’organisation des tissus constituant la membrane (ou barrière) placentaire qui sépare les circulations sanguines maternelle et fœtale:

– La placentation épithéliochoriale correspond au nombre maximal d’assises cellulaires (fig. 17 a. 1: revêtement endothélial de la paroi des capillaires utérins; 2: tissu conjonctif utérin; 3: épithélium utérin; 4: épithélium chorionique fœtal ou trophoblaste; 5: tissu conjonctif fœtal; 6: endothélium formant la paroi des capillaires fœtaux). Ce mode de placentation s’observe non seulement chez les Équidés et les Suidés, mais aussi chez les ruminants, que Grosser avait placés de façon erronée dans une catégorie à part dite «syndesmochoriale». Cette dernière était, selon lui, caractérisée par la disparition de la couche histologique formée par l’épithélium utérin, disparition que n’ont pas confirmée les observations récentes de la microscopie électronique.

– Dans la placentation endothéliochoriale (chez les Félidés ou les Canidés, entre autres espèces), la couche trophoblastique s’accole directement à l’endothélium revêtant les capillaires utérins maternels (fig. 17 b).

– Enfin, dans la placentation hémochoriale , le trophoblaste baigne directement dans le sang maternel, et la barrière placentaire est réduite aux trois assises tissulaires d’origine fœtale (fig. 17 c). C’est le mode de placentation qui caractérise l’organisation histologique d’un grand nombre de placentas de Mammifères, du placenta des Rongeurs (placenta hémochorial labyrinthique), de celui des Primates dont l’espèce humaine (placenta hémochorial villeux).

La microscopie électronique a permis de mieux analyser la constitution cytologique du revêtement trophoblastique de la membrane placentaire hémochoriale (fig. 18) et de dénombrer, au moment du terme de la gestation, les différentes assises trophoblastiques, cellulaires ou syncytiales, chez le rat ou la souris (placenta hémo-trichorial), chez le lapin (placenta hémo-dichorial) ou chez le cobaye (placenta hémo-monochorial). L’étude au microscope électronique des villosités placentaires humaines normales et pathologiques a permis des observations nouvelles sur la participation active (travail placentaire) de chacun des constituants cytologiques de la membrane placentaire et de préciser les mécanismes de la perméabilité de cette membrane aux métabolites, aux drogues, cellules sanguines, bactéries et virus, si essentiels au cours de la vie fœtale, comme on le verra dans l’article qui sera consacré à celle-ci.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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